[a.MUA]

atelier Morphose Urbaine et Architecturale

Nos nouveaux territoires ou les quadrillages multiples

Les villes craquent : saturation de voitures, sur-densification de bâti… Les mégalopoles n’arrivent plus à gérer les embouteillages, la pollution, l’insécurité. Le nouvel habitat et les nouvelles entreprises sont rejetés en périphérie.
En même temps, la ville post-moderne cherche à y créer des espaces délivrés de ces problèmes: lieux semi-privés, semi-publics, semi-fermés que sont les centres commerciaux. Ces temples de la consommation  attirent des millions d’usagers chaque jour, c’est là que se font maintenant tous les échanges de biens matériels ou non. D’autant plus que la périphérie offre de multiples grandes emprises qui se libèrent petit à petit (friches industrielles, militaires…). Malgré les «mises en garde» de Marc Augé (Non-lieux, introduction à une anthropologie de la surmodernité, éditions du Seuil, 1992), les périphéries sont-elles en passe de devenir les nouveaux centres aujourd’hui ?

Face à ce paradoxe, on assiste depuis quelques décennies à de réels problèmes dans ces lieux: évolution impossible, accroissement des inégalités, montée de la délinquance, recherche d’une identité, ghettos ou cités-dortoirs… Or un ghetto, par définition, est un lieu où l’on est tenu en quarantaine, donc à l’écart de tout réseau indispensable à la survie. Réseau social, culturel (ainsi que tous les moyens de diffusion) et parfois même viaire tout simplement. Bien-sûr, il y a des médiathèques, des MJC…
Pourtant, on a besoin de plus en plus d’éducateurs de rue et d’assistantes sociales. Un malaise existe bien mais tous les efforts des collectivités semblent vains.
Recherche d’une identité? L’identité, n'est-elle pas déjà là en puissance? Le pouvoir, ses institutions et les médias (tout comme les centres commerciaux d’ailleurs) ne cherchent-ils pas à imposer une culture qui, dans son fond et sa forme, n’est pas la leur?

Or, la ville, c’est une somme de réseaux de pleins et de vides, d’échanges commerciaux et techniques bien-sûr, mais aussi de gens et de cultures, indispensables à l’évolution de la société. La ville, les quartiers possèdent des identités dépendant de tout cela.
S’interroger sur les villes suppose alors une réflexion sur ces divers réseaux, leurs disfonctionnements, et leurs rôles dans les transformations.

Selon Paul-Henry Chombart de Lauwe (La fin des villes, mythe ou réalité, éditions Calmann-Lévy, 1982), la dégradation de l’environnement et les contradictions sociales qui en résultent risquent de rendre inévitable la généralisation des conflits. Aucune ville n’est à l’abri d’un tel destin.

Reconstruire la ville, c’est donc aussi (re)construire les réseaux, favoriser les échanges quels qu’ils soient - communication et expression - , (re)créer un maillage complexe à l’échelle du territoire, afin de relier chaque entité pour qu’elles fassent partie de la ville.

Aujourd’hui, on a bien des moyens de communication de toute sorte, mais ne nous asservissent-ils pas et ne créent-ils pas sans cesse de nouveaux besoins?
Il ne s’agit pas de remettre en question l’avancée de la technique, des moyens de communication, des médias, mais de les asservir aux besoins de l’homme (et non l'inverse).
De toutes les analyses sur le développement du commerce, sur le rôle des centres commerciaux, on a toujours retrouvé une valeur constante: l’«animation» due aux échanges. Animation de la cité, du marché comme cause et effet d’une intense circulation: de biens, mais aussi d’idées (dissidentes ou non), de nouvelles, de rumeurs…
C’est tout ce «troc» que l’on peut appeler «l’animation sociale» et qui a tendance à disparaître à cause de la mondialisation et des mirages modernes (standardisation et industrialisation, monopole des marques et du marketing qui induisent non-lieux – voire utopies dans son sens initial - et nouvelles cartographies de la consommation – chacun de nous constituant un numéro dans les multiples bases de données).

L’espace serait-il en train de nous échapper ?

Ainsi peut-on encore créer du lieu, où chacun puisse participer en tant qu’individu ayant une culture, faire partie du monde, et où se crée du lien? Et ce, autant à l’échelle du quartier qu’à celle de la ville ou du territoire?

Ne devient-il pas nécessaire de ré-analyser les lieux-clés de la ville d’aujourd’hui, faire un bilan sur les références que nous avons encore et sur les moyens à mettre en œuvre pour tenter de retrouver de nouveaux équilibres?